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OBLIGATION VACCINALE DES PROFESSIONNELS DE SANTE ET LEUR PERSONNEL


Les français sont majoritairement favorables au principe de vaccination contre la COVID 19,   néanmoins un mouvement de contestation prend de l’importance, sur le fondement d’une violation des libertés fondamentales.

 

Liberté fondamentale malgré les bienfaits de la vaccination unanimement reconnu et les décisions judiciaire déjà rendus reconnaissant le caractère légitime de la vaccination, le mouvement de constatation persistes-y compris dans la communauté scientifique et le personnel de santé.

 

Ainsi, dans un arrêt du 08 avril 2021 la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a reconnu la légitimité de l’obligation vaccinale en estimant que certes une telle obligation constituait « une ingérence dans l’exercice du droit au respect à la vie privée » mais jugé qu’elle « est nécessaire dans une société démocratique » lorsqu’il y a un impératif de santé publique.

 

Déjà en 2015 le Conseil constitutionnel avait reconnu la légitimité de l’obligation vaccinale en refusant de la reconnaitre contraire à la constitution dans le cas de la vaccination contre la poliomyélite, la diphtérie et le tétanos.

 

L’obligation légale vaccinale en France ne présente pas un caractère nouveau.

 

La première vaccination obligatoire, contre la variole, remonte à 1902.

 

Si cette première vaccination obligatoire a aujourd’hui disparu il existe toujours des vaccinations obligatoires pour les nourrissons et certaines catégories de professionnels dont les professionnels de santé. (Articles L 311-2 et L311-4 du code de la santé publique).

 

La vaccination, acte de prévention essentiel à une politique de santé publique, a permis l’éradication de certaines maladies qui ont décimées au fil du temps des populations entières (la variole, la diphtérie, la poliomyélite, le tétanos ou la tuberculose…)

 

Bien que l’efficacité des vaccins soit très largement reconnue le rapport bénéfice/risque du vaccin contre la COVID 19 est remis en cause ou soumis à doutes et ce malgré les données scientifiques.

 

La contestation, y compris de certains professionnels de santé, repose sur un prétendu caractère expérimental des vaccins contre la COVID 19 qui résulterait d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) simplement conditionnelle.

 

Sur ce fondement s’opposent les juristes.

 

Pour certain juriste le principe du consentement nécessaire dans le cadre d’une expérimentation médicale « constitue un obstacle à l’obligation vaccinale aussi longtemps que les phases de tests cliniques ne seront pas terminées »

 

En réponse d’autre juriste rappelle « Même si c’est une AMM conditionnelle, il s’agit bien d’une autorisation de commercialiser le vaccin. Le vaccin est donc sorti de la phase AMM »

 

La légalité de l’obligation vaccinale imposée par la loi du 5 août 2021relève maintenant du seul Conseil constitutionnel, puisque seule la loi peut imposer une vaccination.

Quelques soient les polémiques dans un avis du 24/06/2021 le Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale précise :

 

«  tous les vaccins autorisés en France ont démontré dans les essais cliniques une efficacité proche de 100% dans la prévention de la mortalité et des formes graves »

 

Champ d’application de l’obligation vaccinale

 

Les personnes visées par l'obligation vaccinale sont répertoriées à l'article 12 de la loi du 05/08/2021 (loi n°2021-1040) sont les suivantes :

 

« I°- « Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la COVID-19 :  

1°Les personnes exerçant leur activité dans :

a)      Les établissements de santé mentionnés à l'article L 6111-11 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l’article L 6147-7 du même code

b)      Les centres de santé mentionnés à l'article L6323-1 dudit code

c)       Les maisons de santé mentionnées à l'article L 6323-3 du même code

d)      Les centres et équipes mobiles de soins mentionnés à l'article L 6325-1 du même code

e)       Les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées mentionnés à l'article L 6326-1 du même code

f)        Les dispositifs d'appui à la coordination des parcours de santé complexes mentionnés aux II et III de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé

g)      Les centres de lutte contre la tuberculose mentionnée à l’article L 3112-2 du code de la santé publique

h)      Les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic mentionnés à l'article

 L 3121-2 du même code

i)        Les services de médecine préventive et de promotion de la santé mentionnés à l'article

L 831-1 du code de l’éducation

j)        Les services de prévention et de santé au travail mentionnés à l'article L 4622-1 Du code du travail et les services de prévention et de santé au travail interentreprises définis à l'article L4622-7 du même code

k)       Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°,3°,5°,7°,9°et 12 du I de l’article L312-1 du code de l’action sociale et des familles, à l'exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d'un contrat de soutien et d'aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l'article L311-4 du même code

l)        Les établissements mentionnés à l'article L 633-1 du code de la construction et de l'habitation qui ne relèvent pas des établissements sociaux et médico sociaux mentionnés aux 6°et 7 du I de l’article L 312-1Du code de l'action sociale et des familles, destiné à l'accueil des personnes âgées ou handicapées

m)    Les résidences services destinées à l'accueil des personnes âgées ou handicapées mentionnées à l'article L631-13 Du code de la construction et de l'habitation

n)      Les habitats inclusifs mentionnés à l’article L 281-1Du code de l'action sociale et des familles

 

2°Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu’ils ne relèvent pas du 1° du présent I

 

3°Les personnes, lorsqu'elles ne relèvent pas des 1° ou 2° du présent I faisant usage :

a)      Du titre de psychologue mentionné à l'article 44 de la loi n° 85-772 Du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social

b)      Du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur mentionné à l'article 75 de la loi n°2002-303 Du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du service de santé

c)       Du titre de psychothérapeute mentionné à l'article 52 de la loi n° 2004-806 du 9 aout 2004 relative à la politique de santé publique

 

4°Les étudiants où élèves des établissements préparant à l'exercice des professions mentionnées aux 2°et 3° du présent I ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels mentionnés au 2° ou que les personnes mentionnées au 3 

 

[…] »

 

Ainsi, les professionnels santés visés par la loi du 5 août 2021 sont ceux mentionnées à la quatrième partie du code de la santé publique, codifiée aux articles L4001 à L4444-3 du code de la santé publique.

 

Les professionnels de santé mentionnés se décomposent en trois catégories :

 

-          Les professions médicales -médecins, sages-femmes et aux odontologistes (articles L 4111-1 à L4252-3 du code de la santé publique

-          Les professions de la pharmacie et de la physique médicale pharmaciens, préparateurs en pharmacie, préparateurs en pharmacie hospitalière, physiciens médicaux (articles L4211-1 à L4252-3 du code de la santé publique)

-          Les professions d’auxiliaires médicaux (infirmiers- masseurs-kinésithérapeutes- pédicures—podologues- ergothérapeutes -psychomotriciens- orthophonistes- orthoptistes- manipulateurs d'électroradiologie médicale- techniciens de laboratoire médical- audioprothésistes- opticiens—lunetiers- prothésistes- orthésistes-diététiciens) aides-soignants, auxiliaires de puériculture et ambulances (articles L4311-1 à L4394-3 du code de la santé publique)

-           

Aux termes de la loi du 5 août 2021 les pharmaciens et préparateurs en pharmacie et étudiants en pharmacie sont expressément visés par l'obligation vaccinale et ce quel que soient leurs modalités d'exercice, libéraux où salariés, tous types de contrats de travail confondus.

 

La loi du 5 août 2021 vise également toutes les personnes travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels de santé libéraux, dans les mêmes conditions et selon même calendrier.

 

L'obligation vaccinale des personnels de santé sera effective au 15 octobre 2021 avec une mise en place en deux temps :

 

-          Du 9 aout 2021 au 14 septembre 2021 les professionnels de santé dont le schéma vaccinal n'est pas complet pourront présenter un certificat de rétablissement ou un test de non-contamination ou encore un certificat médical de contre-indication ;

-          À compter du 15 septembre et jusqu'au 15 octobre 2021 les professionnels de santé soumis à l'obligation vaccinale, dont les pharmaciens, devront justifier de l'administration d'au moins une des doses requises dans le schéma vaccinal à plusieurs doses et présenter un test de non-contamination.

 

Ainsi à compter du 15 octobre 2021 l’obligation vaccinale des professionnels de santé et étudiants en filières pharmaceutiques contre la COVID 19 vient s’ajouter aux vaccinations déjà obligatoires depuis la loi du 18/01/1991 codifiée à l’article L10 du code de la santé publique (hépatite B- BCG-diphtérie-tétanos-poliomyélite-typhoïde - la vaccination contre la grippe est simplement recommandée).

 

De même d’autres catégories professionnelles, totalement étrangères au secteur médical ou para médical, sont soumises à une obligation vaccinale, tel est le cas par exemple des militaires, des personnels d’établissements pénitentiaires,  des centres d’hébergement pour travailleurs migrants, des sapeurs-pompiers, des centres d’hébergement et réinsertion sociale, des établissements et services aux personnes âgées ou encore du personnel des entreprises de pompes funèbres, sans que cette liste soit exhaustive.

 

 La loi de modernisation du système de santé du 21/01/2016 a étendu l’obligation vaccinale à toute personne exposée à des risques de contamination. (Article L311-4 du code de la santé publique)

Ce texte de loi étend le bénéfice individuel de la protection vaccinale des professionnels de santé au bénéfice des patients soumis à un risque de contamination.

 

La réglementation encadrant les vaccinations obligatoires visées aux articles L 311-1 à L 311-5 du code de la santé publique concernent certains personnels particulièrement exposés et notamment les professionnels de santé

 

Ainsi l’obligation vaccinale des professionnels de santé contre la COVID 19 ne fait que compléter des vaccinations dont certaines ont déjà un caractère obligatoire et d’autres sont simplement recommandées, déterminées selon chaque catégorie de professionnels.

 

S’agissant du personnel salarié l’article R4426-6 du code du travail dispose que l’employeur peut, sur proposition du médecin du travail, recommander une vaccination destinée à prévenir un risque professionnel.

 

Conséquences du non-respect de l’obligation vaccinale

 

À compter du 15 octobre 2021 le contrat de travail des salariés soumis à l'obligation vaccinale ne justifiant pas de leur vaccination contre la COVID 19 sera suspendu avec interruption du paiement de leur rémunération, tous types de contrats confondus, CDI-CDD ou contrat d’intérim.

 

Le contrat de travail sera suspendu jusqu’à la production du justificatif de vaccination pendant une durée maximale de deux mois pour permettre au salarié de justifier d’un schéma vaccinal complet.

 

Dans les trois jours suivant la suspension du contrat de travail l’employeur a l’obligation de convoquer le salarié afin d’examiner avec lui les modalités de régularisation de la situation.

 

Le projet de loi prévoyait un motif spécifique de licenciement pour non-respect de l’obligation vaccinale contre la COVID 19.

 

Après amendement du Sénat la loi du 05 aout 2021 ne reprend pas ce motif de licenciement spécifique, néanmoins à l’issue de la période maximale de suspension de deux mois le droit commun s’appliquera de nouveau.

 

En conséquence à l’issue de la période de suspension et à défaut pour le salarié de justifier d’un schéma vaccinal complet ou d’un certificat médical de contre-indication le salarié pourra faire l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse motivé par le non-respect de l’obligation vaccinale.

En revanche le licenciement d’un salarié non concerné par l’obligation vaccinale ne pourra pas être justifié par l’absence de vaccination.

 

Il est important de rappeler que seule la loi peut conférer à la vaccination un caractère obligatoire, en conséquence hors du cadre légal l’employeur ne peut pas imposer une vaccination.

 

Ainsi la loi du 5 août 2021n’apporte pas en réalité de véritable bouleversement quant aux conséquences du non-respect de l’obligation vaccinale contre la COVID 19 par les professionnels soumis à une telle obligation, mais apporte un assouplissement des règles de droit commun pendant une période déterminée de deux mois.

 

En effet le non-respect par les professionnels soumis à une obligation vaccinale était déjà de nature à engager leur responsabilité devant les juridictions ordinales, et pour les salariés une infraction susceptible d’entrainer la rupture du contrat de travail.

 

Si aucune loi ne précise les sanctions encourues concernant le non-respect des obligations vaccinales préexistantes à la loi du 5 août 2021, autres que contre la COVID 19, une lettre circulaire du 26/04/1998 relative à la vaccination apporte quelques précisions sur les conséquences du non-respect de l’obligation vaccinale.

 

Cette circulaire précise notamment : « Cette obligation de nature contractuelle est susceptible, si elle n'est pas acceptée, d'entraîner un changement d'affectation, voir une rupture du contrat en cas de non-possibilité d'affectation ».

 

Dans un rapport intitulé « Vaccinations en santé au travail » de juin 2016 l’INRS retient :(institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) :

 

« L’employeur est en effet tenu à une obligation de sécurité résultat envers ses salariés et doit, à ce titre mettre en œuvre les mesures appropriées pour les protéger au travail « (INRS rapport 2016 sur la vaccination au travail »

 

Il existe très peu de jurisprudence sur les conséquences du non-respect de l’obligation vaccinale.

 

Dans un arrêt du 11 juillet 2012 (cass soc n° 10.27888) la Cour de Cassation  a confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse  d’un employé d’une entreprise de pompes funèbres ayant refusé de se faire  vacciner contre l’hépatite B, en retenant d’une part le caractère obligatoire de la vaccination pour cette catégorie de personnel et l’absence de communication d’un certificat médical de contre-indication justifiant un tel refus.

 

Même si la loi du 5 août 2021 ne prévoit pas expressément de motif de licenciement spécifique venant sanctionner le non-respect de l’obligation vaccinale contre la COVID 19, dans la mesure ou le droit commun retrouvera application après la période de suspension du contrat, il est probable que la Cour de Cassation adopte un raisonnement identique pour retenir un licenciement pour cause réelle et sérieuse justifié.

 

Selon la Cour de Cassation les vaccinations obligatoires correspondent à une obligation de nature contractuelle dont le non-respect par le salarié peut entrainer un changement d’affectation, voir la rupture du contrat de travail.

 

La loi du 5 août 2021 ne fait que reporter dans le temps, après expiration de la période de suspension, la possibilité pour l’employeur de rompre le contrat de travail pour non-respect de l’obligation vaccinale.

Contrôles de l’obligation vaccinale et sanctions

 

Les contrôles du respect de l'obligation vaccinale des professionnels de santé libéraux seront exercés par les ARS.

 

Le non-respect de l'obligation vaccinale par le professionnel de santé pendant plus de 30 jours constaté par l'ARS fera l'objet d'une information au conseil régional de l'ordre des pharmaciens compétent.

 

Le certificat médical de contre-indication à la vaccination pourra quant à lui faire l'objet d'un contrôle par un médecin conseil de la caisse d'assurance maladie.

 

Le contrôle de l'obligation vaccinale des personnels travaillant dans les mêmes locaux que les professionnels de santé relèvent des prérogatives de l’employeur.

 

A compter du 15 octobre 2021 il appartiendra donc à l’employeur de demander aux salariés de justifier du respect de leur obligation vaccinale et ce quel que soit l’employeur, secteur privé et public y compris les sociétés de personnels intérimaires puisqu’elles ont la qualité d’employeur, en l’état des textes actuels.

 

Le défaut de contrôle par l'employeur de la vaccination contre la COVID 19 de son personnel constitue une contravention de 5ème classe réprimée par une amende de 1500€ à 3000 €.

 

La production d’un faux certificat de vaccination ou de contre-indication vaccinale constitue quant à elle un délit, puni d’une peine maximale de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende en application de l’article 441-1 du code pénal

 

Au surplus l’absence de contrôle de l’obligation vaccinale pourrait entrainer la mise en responsabilité de l’employeur sur le fondement de son obligation de sécurité visée à l’article L 4121-1 du code du travail.

 

Conclusion

 

L’obligation vaccinale contre la COVID 19 imposée par la loi du 05 aout 2021s’inscrit pleinement dans la politique de santé publique élaborée par le Ministère en charge de la santé, après avis du Haut Conseil de la Santé Publique, tenant compte des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), laquelle se traduit chaque année par l’élaboration d’un calendrier vaccinal.

 

La vaccination contre la COVID 19   imposée par la loi du 05 août 2021 a pour objectif la protection de certaines catégories de professionnels particulièrement exposés et notamment les professionnels de santé des risques de contamination dans l’esprit de la loi du 21 janvier 2016.

 

Dans un avis du 24 juin 2021 le Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale retient en faveur de la vaccination des professionnels de santé contre la COVID19 :

 

« Dans la mesure ou l’efficacité des vaccins pour prévenir la transmission du virus est démontrée, ce qui est effectivement le cas, ce principe fait peser sur les soignants une obligation morale ou déontologique en faveur de la vaccination, singulièrement au regard de la protection de leurs patients.

« Le droit des patients à la protection contre les infections nosocomiales justifie, selon le principe du dommage, l’obligation vaccinale des professionnels qui sont à leur contact […] »

« […] L’un des objectifs de la vaccination des professionnels de santé est, au travers de la protection individuelle, la protection collective du fonctionnement des soins […] »

 


Martine MONTAL

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